Koh Lanta Johor : les récents drames ont-ils eu un impact sur le montage de l’émission ?
Le très attendu Koh Lanta a fait son grand retour ce Vendredi 24 Avril. Force est de constater que la « magie » ou la fascination ont encore opéré sur les téléspectateurs puisque le jeu de survie phare de TF1 a de nouveau réussi à se situer en tête d’audience en raflant 27, 6 % de part du marché, soit pas moins de 5,8 millions de téléspectateurs. Un score cependant mitigé puisqu’il s’avère l’un des plus bas depuis 2003. L’émission a en effet perdu un million de téléspectateurs par rapport au lancement de sa dernière édition spéciale, qui en avait réuni 6,9 millions. Alors, la faute aux vacances scolaires, à la lassitude des téléspectateurs face à un concept répétitif ou aux récents drames qui ont engendré quelques polémiques ?
Quoiqu’il en soit TF1 et ALP ont démontré avec ce premier épisode qu’ils n’avaient rien perdu de leur capacité à créer le show et la fascination, malgré (ou grâce à ?) un concept répétitif enfermant les candidats dans une rivalité compétitive pour la première place, puisque, quoiqu’il arrive, dans Koh Lanta, de survivant, « il n’en restera qu’UN !» Ainsi réduits à s’entre éliminer, les candidats séparés en deux équipes rouge et jaune s’ingénient dans moult stratégies pour désigner à l’issue des épreuves non remportées le bouc émissaire qui devra quitter l’équipe, alors handicapée de l’un de ses joueurs. Ce Koh Lanta Johor n’a donc pas manqué à la règle du sempiternel conseil et a la constitution de deux équipes dont l’une apparait d’ores et déjà plus désorganisée que l’autre. Les premières tensions entre candidats ont aussi fait leur apparition et le spectateur a pu contempler le même fascinant scénario se répéter malgré les nouveaux candidats. Le choc des générations et des cultures n’a pas non plus manqué d’alimenter les tensions entre jeunes et moins jeunes, hommes et femmes et soi-disant forts et faibles, etc., etc., etc., (comme dirait Godard dans « Histoire(s) du cinéma »…). Bref, du VRAI Koh Lanta 100 % pur jus !
Néanmoins, quelques petits changements sont apparus, laissant peut-être entrevoir que les récents drames ont eu un impact sur la façon de monter l’émission ou du moins un impact sur la stratégie marketing déployée pour redorer l’image véhiculée par l’émission. Ainsi, quelques gros plans des blessures des candidats semblent s’être immiscés dans le montage avec insistance, tel notamment l’œil révulsé de Corinne, à moitié éborgnée par un coup de bâton lors de la tentative de faire du feu, ou encore telle la main blessée de Jeff qui s’est ouvert avec une machette. Et oui, comme le dirait l’une des candidates, que la production a choisi de ne pas couper au montage : « Pour faire Koh Lanta il faut être fou ! ». Alors, nouvelle stratégie marketing honnête pour montrer que faire Koh Lanta comprend des risques bien réels ou façon d’invoquer la folie personnelle des candidats pour mieux dédouaner les producteurs de leurs responsabilités ?
Dropped : les familles des victimes choquées par l’indécence de TF1
A la veille du grand retour de Koh Lanta, dont la diffusion est prévue ce vendredi 24 Avril et suite aux déclarations du PDG de TF1, Nonce Paolini, qui a récemment affirmé sur BFM Business qu’il y aurait peut-être un Dropped 2, les familles des victimes du crash d’hélicoptère sur le tournage de Dropped manifestent leur colère.
Après la plainte déposée par Hubert Arthaud contre la société de production ALP en charge de l’émission commandée par TF1, la famille du boxeur Alexis Vastine s’est également constituée partie civile. Interviewé dans L’Express, Benjamin Sarfati, leur avocat, fait part du choc de la famille suite aux propos suivants de Nonce Paolini, qui dénient toutes responsabilités dans le déroulement du drame : « Il ne s’agit pas d’un problème de sécurité, mais probablement d’une erreur d’appréciation du pilote. Nous ne sommes en aucun cas responsables de ce drame humain, qui fait partie des accidents de la vie. »
« La famille d’Alexis Vastine a été profondément choquée par cette déclaration. Elle ne comprend pas comment on peut affirmer sérieusement qu’il s’agit d’un accident d’hélicoptère comme il peut s’en produire sur la planète ici ou là, alors même qu’on ne sait pas encore précisément ce qui s’est passé et que les enquêtes débutent à peine. […] Il y a eu dix morts sur Dropped, et on parle déjà de Dropped 2. C’est absolument incompréhensible, tout cela va trop vite. » s’indigne maître Sarfati. Suite à ces propos, Le Point s’interroge de son côté sur la possibilité d’un combat qui ne serait plus uniquement mené contre ALP mais aussi contre TF1. Ce que laissent en effet à penser les dénonciations de l’avocat de la famille Vastine soulignant l’indécence de TF1, qui non seulement s’empresse de diffuser une nouvelle saison de Koh Lanta, mais aussi de redonner toute sa confiance à une société de production sur laquelle pèse pourtant de lourdes charges : « TF1 aurait dû observer une parenthèse, un délai de décence dicté par la pudeur. Car la douleur des familles des victimes est trop vive et la plaie grande ouverte. En reprogrammant Koh-Lanta, on a le sentiment que la chaîne n’agit qu’en fonction d’impératifs économiques liés aux audiences, sans tenir compte des accidents passés, de la mort de Gérald Babin, ni du suicide [du médecin de l’émission]. » En rappelant les drames passés, l’avocat des Vastine inviterait-il à ouvrir les yeux sur ce que les industriels de l’audiovisuel semblent considérer comme un malencontreux acharnement du sort ?
Décidément, la lucrative industrie de la télé-réalité ne cesse de s’ingénier à imposer ses propres intérêts économiques, quitte à narguer la justice ou à défier la pudeur, voire la mort… A croire que faire de la télé dispense de bien des aléas qui pèsent pourtant sur le commun des mortel…
Koh Lanta : le retour !
Ajournée à cause du tragique accident d’hélicoptère sur le tournage de Dropped en Argentine, la diffusion de la saison 13 de Koh Lanta débutera néanmoins le 24 Avril en prime time sur TF1, alors qu’Adventure Line Production (ALP) tourne déjà la prochaine saison. Mais qu’est-ce qui fait le succès de cette télé-réalité d’aventure qui réussit à capter et fasciner les foules malgré un concept toujours identique ? Et que nous réserve ce grand retour de l’émission ?
Tourné en Malaisie, Koh Lanta Johor signe le retour de participants anonymes, après le décès de Gérald Babin sur la saison tournée en 2013 au Cambodge, dont la diffusion avait par conséquent été annulée. Ainsi, depuis 2013, l’habituelle recette, qui fait en partie le succès de Koh Lanta, avait disparu de nos écrans, bien qu’une édition spéciale avec d’anciens participants s’était cependant vue diffusée en 2014 et avait réussi à obtenir une audience tournant autour d’une moyenne de plus de 6,5 millions de téléspectateurs.
Ainsi, en plein cœur de la tourmente et malgré les drames, ALP et TF1 ne se démontent pas et font renaître des cendres leur précieux Koh Lanta, qui parvient à chaque fois à rafler une grosse part du marché de l’audience. Interviewé dans le TV Mag du site Le Figaro, l’animateur vedette de l’émission, Denis Brogniart, invoque une sécurité sans faille sur ce Koh Lanta 2015 et des accidents qui peuvent arriver sur le tournage de ce type d’émission. Des accidents, qui, à l’entendre, ne devraient pas prêter à polémique. Il en profite également pour faire la promotion de son émission fétiche, dont il semble aussi mordu que les participants qui ne cessent de vouloir réitérer l’expérience ou que les spectateurs, qui, depuis maintenant 14 ans, ne se lassent pas de regarder ce jeu pourtant répétitif. Au programme, l’animateur nous promet cependant quelques changements au niveau des règles et des épreuves : «du jamais vu dans l’histoire de Koh Lanta ». Les portraits des participants ont eux aussi été dévoilés ainsi que les premières images de l’émission. De quoi faire monter le suspens et préparer le spectateur au show à venir !
Car, Koh Lanta, c’est également cela : une promotion et surtout un show menés par des mains de maîtres dans l’art du divertissement. Un spectacle, qui ne fait donc pas que répondre à une pseudo demande des téléspectateurs, mais qui, savamment, sait captiver les regards et créer la demande. Comment, en effet, ne pas être un minimum fasciné par le spectaculaire sujet que propose Koh Lanta : contempler des héros anonymes, auxquels on peut tous s’identifier, dans un contexte où la survie n’est qu’un pâle reflet d’une compétition propre à un fonctionnement social qui nous concerne tous et, qui, à l’instar du principe de l’émission, se répète lui aussi ? A moins que les nouvelles règles promises par le jeu ne témoignent de quelques évolutions ? Attendons de voir et parions en attendant que, malgré le contexte actuel tendu, la fascination opèrera à nouveau sur le public…
« Dropped » : mortelle télé-réalité ?
Suite au drame survenu ce Lundi 9 Mars 2015 en Argentine, lors du tournage de l’émission de télé-réalité « Dropped », qui aura scellé la mort de dix personnes dans un accident d’hélicoptère, dont les trois icônes sportives françaises, Camille Muffat, Alexis Vastine et Florence Arthaud, les débats concernant les dangers et le respect des règles de sécurité lors des tournages de ce type d’émission se réactivent. Jamais télé-réalité n’aura autant rimé avec jeu dangereux…
Deux ans après le drame qui aura coûté la vie à Gérald Babin, lors du tournage de « Koh Lanta » au Cambodge et qui se sera soldé par le suicide du médecin en charge des candidats de l’émission, Thierry Costa, des doutes concernant le respect des règles de sécurité planent à nouveau sur la société de production Adventure Line Production (ALP), qui était également en charge du jeu de survie « Koh Lanta ». Basées sur un concept similaire, les règles du nouveau jeu d’aventure proposé par TF1, consistaient à lâcher en pleine nature des sportifs de haut niveau, avec un minimum d’équipement et de nourriture, afin de mettre à l’épreuve leur capacité d’adaptation dans des conditions extrêmes.
Ainsi, si l’enquête n’a pour le moment pas encore révélé de failles au niveau du respect de la sécurité des candidats, le danger réside cependant au cœur même du principe animant ce type de jeu de survie. Que le drame soit un accident ou non, la question des dangers intrinsèques à ces émissions reste légitime, quoiqu’en dise la sociologue Nathalie Nadaud-Albertini, toujours prompte à défendre ces types de programmes « de la haine » des téléspectateurs dont ils seraient victimes. Pour cette dernière, la télé-réalité serait donc le bouc émissaire idéal face à la difficulté d’ « accepter l’horreur » d’un tel drame. A l’entendre, on plaindrait presque les pauvres producteurs d’ALP qui gagnent des millions pour risquer la vie d’inconscients candidats qui n’avaient qu’à réfléchir avant ! Quant au spécialiste des médias, François Jost, il invoque de son côté la demande du public qui serait friand de ces émissions mettant en scène l’extrême. Serait-ce une nouvelle façon de dédouaner des producteurs avides de brasser des millions sur le dos d’une audience en manque de sensations fortes ? Pauvres producteurs qui ne font que répondre à la demande des capricieux consommateurs-téléspectateurs que nous sommes !
Bien heureusement, il y a encore quelques journalistes du Monde qui s’interrogent sur le respect des règles de sécurité et les rouages d’ « une tragédie dans l’histoire de la télé-réalité ». Peut-être serait-il également intéressant d’enfin penser ce que ces émissions révèlent de notre société de surconsommation… Car, si besoin il y a de contempler la survie, c’est peut-être qu’elle en devient omniprésente à force de se voir déniée par notre confortable jungle capitaliste… A ce propos, un intéressant documentaire, diffusé cette semaine par Arte, sur les effets thérapeutiques du jeûne, nous rappelle à quel point notre corps et nos gènes, eux, ont une mémoire de cette survie oubliée…
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